« Papa » Sam Sharpe, comme on l’appelait affectueusement à Montego Bay (Saint James) en Jamaïque, fut le principal instigateur de la rébellion de décembre 1831, laquelle joua un rôle crucial dans l’abolition de l’esclavage. En effet, lors d’assemblées religieuses, seules activités de groupe autorisées pour les esclaves à l’époque, le pasteur baptiste, avec l’aide de nombreux fidèles, élabora un plan de résistance passive qui fut le suivant : les esclaves refuseraient de travailler le jour de Noël 1831 si leur situation ne s’améliorait pas et les propriétaires d’esclaves ne se conformaient pas au contexte d’émancipation qui prenait corps dans le reste de la Caraïbe. Son idée de « grève » se propagea dans toute la paroisse de Saint James et même au-delà : dans les paroisses de Trelawny, Westmoreland, Saint Elizabeth et même Manchester. Mais, ce projet arriva aux oreilles des planteurs peu scrupuleux qui s’empressèrent d’en informer les autorités coloniales. Ainsi, des escadrons furent dépêchés à Saint James et des navires de guerre à Montego Bay et Black River.
Dans la nuit du 27 décembre 1831, un incendie marqua le début de la célèbre « rébellion de Noël » initiée par Sam Sharpe, utopiquement prévue pour être pacifique. Huit jours durant, incendies, attaques armées et pillages caractérisèrent la vie des paroisses de l’ouest de l’île. La révolte légitime se solda par un bilan humain très lourd : quatorze Blancs perdirent la vie au cours des émeutes et plus de cinq cent esclaves furent exécutés, pour la plupart à l’issue de leur « procès ». Quant à Sam Sharpe, qui avait dit « je préférerais mourir sur la potence plutôt que vivre en esclave », il fut pendu le 23 mai 1832. Mais sa mort ne fut pas vaine. Le Parlement britannique vota l’abolition partielle de l’esclavage le 28 août 1833 et l’émancipation totale le 1er août 1838. En 1975, Samuel Sharpe fut proclamé héros national, onze ans après Marcus Garvey, premier héros national de la Jamaïque (1964).
Jérémie Kroubo Dagnini